La Covid, le dirigeant de demain et le coach

 

 Tels les brigands du Moyen-Âge

 L’« Encore plus »

La cabane

Le coach, un passeur ?

5 contrats à l’opposé du Sois fort !

Bonne nouvelle

 

Caroline Couturier*, Christine Malpart et Eric Perret*

Renaissance Coaching & Management – www.renaissance-conseil.com

Février 2021

 * co-auteurs du roman « C’est la Vie »,

un roman de développement personnel … à fort impact professionnel.

Nous sentons que le contexte actuel – l’atmosphère ambiante, le moral des équipes et des personnes, la solidité financière des entreprises…- est tendu et fragile. Il suffirait de presque rien pour que les choses basculent du mauvais côté. L’incertitude pèse autant sur les esprits que sur les comptes de résultats.

La lassitude et l’usure sont là, en partie créées par la succession des Go/No Go et le manque de perspective de cette sortie de crise qui ressemblent de plus en plus au supplice chinois de la goutte, celle qui tombe à intervalles réguliers sur le front, au début tout va bien, au bout d’un moment cela devient infernal.

Les enjeux sont bien sûr très différents selon la nature des activités de l’entreprise. Si certaines sont à l’arrêt total (restauration, culture, sport …), en très forte récession (transport voyageur, hôtellerie …), en baisse significative (commerce en ville …), d’autres sont en stagnation ou en forte hausse (commerce en ligne, transport de petites marchandises…). Nous parlons dans cet article des entreprises qui continuent de tourner.

 

Tels les brigands du Moyen-Âge.

Tels les brigands du Moyen-Âge, punis par le châtiment de la roue, qui avaient les membres étirés, les dirigeants sont écartelés intérieurement par le flot incessant d’injonctions paradoxales de plus en plus contraignantes,

L’image semble un peu forte. Quoique ? Ils doivent :

. accepter de ne pas savoir où et quand ce contexte va s’arrêter alors même que cet arrêt est vital pour la pérennitéde leur entreprise,

. stimuler leur système – leur activité, leur collaborateurs…-, alors qu’ils sont eux-mêmes en interrogation sur leur propre futur, donner du sens à ce que chacun vit alors qu’ils n’en ont pas eux-mêmes,

.  prendre des décisions fortes sans avoir tous les critères en main,

. être proches des gens alors que la distanciation physique est grande – nous accompagnons actuellement des managers qui n’ont pas vu physiquement leurs équipes depuis des mois,

. sortir les meilleurs résultats possibles dans une situation économique dégradée.

C’est l’équivalent de piloter une voiture à toute vitesse sans visibilité sur un terrain encombré.

 

L’« Encore plus ».

Dans cette période atypique, des besoins managériaux émergent, notamment celui de réussir durablement le télétravail. Pour nous, la notion qui s’impose pour passer au mieux ce cap, et cela quelques soient les modes d’organisation, est celle de l’« ENCORE PLUS ». C’est-à-dire incarner « encore plus » qu’hier, son rôle de « dirigeant-manager coach » ou « dirigeant-manager libérant » (1).

Cela signifie être « encore plus » proche de chacun et resserrer « encore plus » les liens collectifs malgré la distanciation ; être « encore plus » à donner du sens, fixer des objectifs clairs, faire des feedbacks constructifs, donner de la reconnaissance personnalisée et ajustée, être en soutien actif, favoriser l’esprit d’équipe (1) ; et avoir un niveau d’exigence « encore plus » élevé car la situation économique est tendue et demande beaucoup d’investissements en énergie et en temps alors que le physique et le moral sont plutôt en baisse.

Cela signifie faire plus et mieux de la même chose quand cela existait déjà ou l’intégrer dans une nouvelle démarche !  Développer ses sens, exercer son acuité, détecter les signaux faibles, stimuler le système. L’erreur ou l’à-peu-près seront moins pardonnés, le coussin protecteur dont disposaient auparavant les dirigeants a en grande partie disparu. Le management devient plus pointu.

Ces actions sont rendues « encore plus » nécessaire lorsque la situation économique de l’entreprise se durcit.

 

La cabane.

Nous observons une forte résilience et flexibilité des entreprises, mais jusqu’à quand ? Jusqu’où pourra-t-on tirer sur la corde sans que celle-ci ne se rompe ?

La mise en place rapide et la montée en puissance du travail en distanciel en est une preuve flagrante. Ce phénomène contient cependant ses propres limites. Le télétravail, longtemps parent pauvre dans les organisations car plus assimilé à du repos qu’à une nouvelle forme de travail, acquiert ses lettres de noblesse. Il démontre son efficacité. Oui, on peut travailler sérieusement tout en étant à la maison, et même travailler « encore plus », bien concentré. Il a permis de continuer de faire tourner l’économie alors qu’elle aurait pu s’arrêter, d’éviter des temps de transport élevés, de faire baisser des indicateurs de pollution.

Il s’est installé durablement mais ses formes doivent être (re)définies. Hors confinement, avoir des équipes plus de la moitié du temps en télétravail nous semble dangereux pour les équilibres de cohésion, de coopération, de complicité, de besoin d’informel, pour le sentiment d’appartenance, sources indéniables de performance.

A tort ou à raison, trop de télétravail créé chez certains un fort sentiment d’isolement ou d’oubli, l’ennui, le désengagement, la peur de l’envahissement du pro sur le perso, celle de revenir au bureau – le fameux syndrome de la cabane qui est la peur de sortir de son lieu d’enfermement. Les conditions de travail chez soi ne sont pas toujours optimums, les critères d’ordre psychologique semblent se dégrader. Ajoutés aux complications organisationnelles générées par la distance, ce sont des facteurs préjudiciables à la performance.

Une cohabitation intelligente des temps en présentiel et en distanciel est à inventer. Une idée qui nous parait pertinente est celle d’organiser tous les « évènements managériaux » récurrents (réunions d’équipes, réunions thématiques, points individuels …) les jours où chacun est en télétravail et de favoriser les jours en présentiel pour tout le reste, dont l’informel, les rencontres spontanées, le contact direct, créateurs de valeur ajoutée. Les témoignages prouvent que les réunions en distanciel sont bien plus efficientes – l’efficience est l’efficacité versus l’énergie et le temps dépensés pour y arriver – que celles en présentiel grâce à une meilleure ponctualité, une meilleure centration sur les sujets à traiter, moins d’apartés, plus d’écoute. Il nous semble, en revanche que les réunions où certains sont ensemble dans un bureau et d’autres en distanciel ne soient pas les plus efficaces.

Une bonne répartition entre les deux marquera mieux la frontière nécessaire entre le pro et le privé et permettra de garder du temps pour soi, indispensable à une bonne régénération du corps et de l’esprit.

 

Le coach, un passeur ?

Durant cette période troublée, le rôle de coach s’amplifie. Il est d’aider les dirigeants et les managers à :

. accepter ce qui est en train de se passer, ils ne sont pas responsable de la situation, seulement responsable d’agir au mieux dans ce contexte. Ce n’est pas le plus facile,

. définir des objectifs opérationnels à court terme pour eux -mêmes et leurs équipes. Au milieu de la tempête, le marin pense en premier à survivre et protéger son bateau, avant de penser à ce qu’il fera plus tard ! Et dans un même temps, les aider à se projeter dans l’après, car il y a toujours du calme et du soleil après une tempête, avec souvent un paysage changé. Toujours cette notion de grand écart,

. gérer leurs frustrations générées par une perte de rentabilité et d’opportunités, des projets avortés, des espoirs déchus, des salariés absents du bureau, des décisions lourdes à prendre …,

. accepter leur fragilité en tant qu’être humain et en tant que responsable. Ceci est plus difficile pour ceux qui ont un sentiment intérieur de toute puissance, même si celle-ci est relative. Le contexte les chahute beaucoup,

. exprimer ce qu’ils ressentent, le faire exprimer à leurs collaborateurs,

. aller à l’essentiel pour la pérennité de leur entreprise, dont le bon entretien du tissu humain est une des composantes essentielles,

. assumer des décisions structurelles souvent lourdes qu’ils devront prendre du type licenciements, restructurations …,

. trouver des solutions différentes à des problématiques nouvelles qui se posent à eux. Comme le disait Albert Einstein – physicien – 1879-1955 « on ne résout pas un problème avec les données qui l’ont créé »,

. instaurer de nouvelles formes de travail plus hybrides avec un mix présentiel-distanciel dont nous avons parlé, et aussi des espaces ressources collectifs via des ateliers d’intelligence collective, du co-développement pour partager les problématiques, profiter des expériences et des compétences de chacun, trouver des réponses innovantes,

. d’une façon générale, tendre vers une nouvelle rive, de soi et de sa vie professionnelle.

Tout un programme ! Le coach en entreprise a un travail important à réaliser pour accompagner le passage de leurs clients d’une rive à l’autre.

 

5 contrats à l’opposé du Sois fort !

Tant pis pour les Sois fort. Pour formaliser une approche d’accompagnement, nous avons développé ce que nous avons appelé les « 5 contrats » que le dirigeant doit passer avec lui-même et avec ses équipes :

. le contrat de confiance : je dis ce que je fais / je fais ce que j’ai dit, et je demande pareil aux autres,

. le contrat émotionnel : je dis et j’accepte ce que je ressens, et j’invite les autres à l’exprimer,

. le contrat de besoin : je prends conscience de ce qui compte pour moi et pour l’autre, je le traduis en actions,

. le contrat de demande : j’exprime mes demandes, mes limites et je fais exprimer celles des autres,

. le contrat de sens et d’objectif : quels objectifs je me fixe dans cette période ? / quels objectifs je fixe aux autres et pourquoi ?

C’est une forme nouvelle qui va à l’encontre des injonctions habituelles telles que le « Sois fort !» déjà mentionné, le « Sois parfait ! », « montrer ses émotions, c’est être faible » ou « l’important c’est de bosser, le reste n’est que littérature » auxquelles beaucoup de dirigeants sont biberonnés.

Pour arriver à cet état, un certain nombre d’entre eux devront apprendre à développer leur sécurité intérieure, accepter leurs peurs, leurs doutes, abandonner des façons de faire et d’être qui leur ont permis de réussir jusqu’à maintenant, et laisser la place à de nouvelles approches ouvertes, souples, exigeantes.

Nos forces d’hier deviennent souvent nos limites si nous ne les remettons pas en question et si nous ne les faisons pas évoluer. La souplesse, l’endurance et la régénération du roseau sont plus résistants que la puissance du chêne nous dit Jean de la Fontaine – poète – 1621–1695.

Ayons à l’esprit que le dirigeant ou le manager est le principal frein au développement de son entreprise. L’inverse est vrai également, il en est son principal moteur. L’enjeu et le point de pivot sont là.

 

Bonne nouvelle.

Considérons que la période actuelle est historique pour les entreprises, historique dans le sens propice à des changements de plus grande envergure difficilement envisageables dans un environnement (trop) stable.

En chinois, le mot crise signifie à la fois danger et opportunité.

Si vous enclenchez maintenant les changements que vous voulez voir se produire demain, ils auront certainement plus de chance d’aboutir, surtout si vous respectez les 5 contrats.

« Tout ce qui ne nous tuera pas nous rendra plus fort » disait Friedrich Nietzche – philosophe – 1844-1900.

Ce temps de l’opportunité n’est rien sans le savoir qui permet de le reconnaître. Sans lui, il n’est qu’un événement parmi d’autres pour celui qui ne sait pas. 

Vive les opportunités, maintenant vous savez.

(1) Des référentiels de comportements observables sont disponibles pour chacun de ces rôles, de même que les postures à abandonner et à développer.